Famille

Les mamans japonaises et la pratique du co-dodo avec leurs enfants

Un chiffre brut, sans détour : au Japon, près de 70 % des familles dorment avec leurs enfants jusqu’à six ans, d’après l’Institut national de la santé publique. Cette habitude s’enracine, indifférente aux recommandations internationales qui rappellent les dangers d’un sommeil partagé non encadré. Les autorités japonaises ne résistent pas frontalement : elles tolèrent la pratique, tout en diffusant des guides pour limiter les accidents. D’un pays à l’autre, la perception du bien-être de l’enfant, l’équilibre familial et même l’espace domestique dessinent des usages qui s’entrechoquent.

Le cododo à la japonaise : une tradition familiale et culturelle

Au Japon, le cododo ne relève ni d’un phénomène de mode, ni d’une simple question pratique. Il s’ancre dans une culture japonaise où le sommeil partagé fait partie intégrante du lien entre parents et enfants dès la naissance. Dès les premiers jours, le bébé s’installe dans la chambre parentale, souvent sur un futon posé à même le sol ou, parfois, dans un lit d’appoint accolé à celui des parents. La proximité, la nuit, ne fait pas débat : elle prolonge naturellement la journée et resserre la cellule familiale.

Cette pratique du co-sleeping s’explique par une conception collective de la vie à la maison. Parents et enfants dorment ensemble : c’est un moyen de maintenir l’harmonie du groupe, d’assurer une vigilance continue. Les appartements, souvent exigus, favorisent aussi ce lit partagé. L’intimité individuelle passe au second plan, la sécurité et le confort du bébé priment.

Le cododo n’a rien d’une nouveauté. Les générations précédentes partageaient déjà le lit familial avec leurs enfants. Pour beaucoup de mères japonaises, ce geste s’inscrit dans une continuité, une forme de transmission, parfois vécue comme un devoir. Le sommeil avec bébé dépasse la logistique : chaque nuit devient un moment de lien renforcé entre parents et enfants.

Dans le paysage japonais d’aujourd’hui, le lit avec enfant reste la règle. Il est rare qu’un enfant ait sa propre chambre. Le cododo perdure, porté par les valeurs de solidarité, de protection, mais aussi la conviction que le sommeil partagé soutient l’épanouissement de l’enfant et la cohésion de la famille.

Quels bénéfices et quels risques pour les mamans et leurs enfants ?

Le cododo au Japon s’accompagne d’effets positifs bien documentés. La proximité nocturne resserre le lien entre mère et bébé, ce qui nourrit l’attachement et la sécurité affective. Les tétées de nuit sont facilitées : la maman n’a plus à se lever plusieurs fois, l’allaitement devient plus fréquent et la production de lait maternel s’améliore. Les enfants s’endorment souvent sans heurts, les réveils nocturnes sont moins nombreux.

Pour la mère, gérer les tétées fréquentes devient moins éprouvant. Selon la Leche League, le berceau cododo ou le lit parental peuvent apaiser le stress et améliorer la qualité du sommeil. Mais la vigilance est indispensable. Les professionnels de santé, au Japon comme ailleurs, insistent sur le respect de règles précises : matelas ferme, pas de couette épaisse, et aucun sommeil profond sous médicaments ou alcool.

Pour mieux cerner les enjeux, voici les principales préoccupations soulevées par le cododo :

  • Risques mentionnés : sans un cadre adapté, le cododo expose à la mort subite du nourrisson, surtout dans le lit parental si les recommandations de sécurité sont ignorées.
  • Défis : la question de l’autonomie de l’enfant ou de l’intimité du couple s’impose, notamment sur la durée.

Au Japon, la configuration de la chambre parentale et le choix du futon au sol distinguent le cododo local de bien des pratiques occidentales. Cette préférence pour le futon limite plusieurs risques recensés avec les berceaux traditionnels occidentaux. Un équilibre subtil, entre bien-être, proximité et nécessité de prévenir les accidents.

Maman lisant un livre à son bébé dans une chambre moderne

Le cododo au Japon face aux autres pratiques dans le monde : points communs, différences et pistes de réflexion

Au Japon, le cododo s’inscrit dans la continuité des traditions familiales, avec une proximité entre parents et enfant qui dure souvent jusqu’à l’entrée à l’école primaire. Ce modèle tranche avec celui de nombreux pays occidentaux, où l’autonomie du bébé est valorisée très tôt. En Suède ou en France, la pratique dominante consiste à garder le nouveau-né dans la chambre parentale quelques semaines, puis à le faire dormir seul rapidement. Aux États-Unis, l’American Academy of Pediatrics recommande que l’enfant dorme dans la même pièce, mais pas dans le même lit, au moins jusqu’à ses six mois, par souci de sécurité.

Dans d’autres régions, comme l’Afrique, la Chine ou la Turquie, le sommeil partagé reste la norme. Les raisons varient : contraintes économiques, taille des logements, habitudes culturelles. Mais des constantes apparaissent : renforcer l’attachement, assurer la protection nocturne, prolonger la transmission de valeurs familiales. Les différences tiennent surtout à l’organisation de l’espace domestique, au rôle de la mère, ou à la durée du congé parental.

Les recommandations de l’OMS et de l’UNICEF cherchent à trouver le juste équilibre entre sécurité et proximité. Elles soulignent l’intérêt du cododo lorsque les précautions sont respectées. En France, le débat avance, porté par des associations comme la COFAM, qui invitent à adapter ces modèles aux réalités locales. Entre le désir d’autonomie pour l’enfant et la recherche d’une cohésion familiale forte, chaque culture trace sa propre voie. Reste à chacun de trouver la formule qui lui ressemble, entre héritage et choix personnels, quand la nuit tombe, chaque famille écrit sa propre histoire.